ANALYSE DU DECLIN DE L'ORGUE EN FRANCE
CAUSES ET REMEDES

Préambule : Après l'âge d'or de l'orgue en France du XVIème au début du XXème siècle, l'orgue subit en France un déclin manifeste, mais non inéluctable: Ce texte a pour but d'en analyser les causes, et de proposer des solutions. Il s'adresse principalement aux nombreux orgues Français de toutes tailles, à transmissions pneumatiques, électro-pneumatiques, électriques, ou même mécaniques qui fonctionnent mal ou pas du tout ou sont à l'abandon. Il nous reste fort heureusement quelques orgues mécaniques qui fonctionnent correctement. Il est à noter qu'il existe une corrélation forte entre les périodes d'apogée de l'orgue, et d'apogées de civilisations.
Voici le résumé des causes de ce déclin.

1. L'ASSOCIATION DE L'ORGUE à L'EGLISE ET A LA LITURGIE :
L'idée que l'orgue est un instrument conçu et utilisé exclusivement pour l'église est très répandue dans le grand public. L'immense majorité des gens ignorent que l'orgue existait bien avant l'église, que celle-ci l'a interdit durant des siècles, (en tant qu'instrument "païen")et qu'il peut exister des orgues "laïcs" en dehors des églises. Rappelons aussi que durant et après la révolution française, de nombreux orgues furent détruits. Notons toutefois que l'attrait pour l'orgue est manifeste, associé à une méconnaissance profonde de l'instrument, en raison principalement de son caratère religieux très marqué en France. L'église catholique connaissant ici un réel déclin, celle-ci entraine l'orgue qu'elle héberge
dans ce même déclin.
Corrélativement, l'espace public a tendance à rejeter l'orgue, depuis pratiquement la révolution française. Ceci a été marqué dans les conservatoires par l'abandon de l'étude des maîtres de l'orgue antérieurs à la révolution, en dehors des plus prestigieux. N'oublions pas que Bach, Vivaldi n'ont été réhabilités que récemment, après une longue période d'oubli durant tout le XIXème siècle.
Dans cet ordre d'idées, notons le transfert à Lyon de l'orgue du Trocadero, la suppression de l'orgue du Palais Garnier sous Rolf Liebermann, celui de l'ORTF, du Gaumont, etc.... Cette tendance semblant actuellement s'inverser lentement.

2. LES PRIX EXORBITANTS PRATIQUES PAR CERTAINS FACTEURS D'ORGUES FRANCAIS,
Souvent à cause des "techniciens conseils" qui spécifient les marchés, et touchent un pourcentage sur ceux-ci : Leurs intérêts sont donc liés avec l'importance du marché.
Quelques exemples : En 2012, le dépoussiérage, démontage et remontage (partiel) des tuyaux d'un orgue à S.P. (2 claviers 22 jeux) a coûté 400 000€. Alors qu'en 2004,  aux USA, l'orgue Rosales-Glotter du Walt Disney concert Hall à Los Angeles (6134 tuyaux) a coûté 1.200.000 $ soit environ 1000000 € pour un orgue neuf ! (Don de Madame Disney). En Bretagne, un marché de 200.000 Frs a été adopté alors qu'une proposition concurrente à 120000 Frs pourtant d'excellente qualité n'a pas été retenue. Etc... Les exemples abondent. Facteurs qui crèvent les souffleries, qui démontent l'orgue avant d'avoir reçu le marché et font le chantage, qui récupèrent les jeux, etc...Bien entendu, tous les facteurs, loin de là, ne font pas cela.

3. LA MECONNAISSANCE DE LA CULTURE INFORMATIQUE ET ELECTRONIQUE EN FRANCE :
L'absence de connaissance profonde de la plupart des "techniciens conseils" français en matière d'électronique et d'informatique nuit gravement à l'adoption de solutions de restaurations optimales et pérennes. Ceci n'est pas lié à cette profession, mais au manque de culture dans ce domaine en France. Pour illustrer ce fait, rappelons que la société JAMET, dernier fournisseur français de composants pour orgue a fait faillite dans les années 70, et qu'aucune n'est apparue depuis. Pour l'histoire, JAMET était un ingénieur de l'Ecole Centrale des Arts et Manufactures de Paris.

4. L'ABSENCE D'ORGUES DANS LES LIEUX PUBLICS :
Théatres, salles de concerts, cinémas, conservatoires. Ceci renforçant l'idée que l'orgue est exclusivement un instrument d'église, conçu et utilisé pour le culte.

4. LES CRAINTES DES FACTEURS :
Face à ce déclin, les facteurs se réfugient (souvent malgré eux) dans les travaux que veulent bien leur donner les "techniciens conseils" du Ministère de la Culture, dont ils dépendent. Travaux toujours très coûteux, avec des budgets publics qui déclinent (pour l'orgue, pas pour le contribuable) d'année en année. Pas forcément de la faute des Facteurs d'orgues !
Ces facteurs et ces "experts" n'imaginent pas que si beaucoup plus d'orgues étaient en fonctionnement, le budget accord et petites réparations serait notablement accru. (Les solutions que j'ai développées permettent des réductions de coût et une fiabilité plus grande, ainsi que la possibilité d'accorder l'orgue seul, sans assistant aux claviers).

5. LA FORMATION DES FACTEURS D'ORGUE :
Celle-ci est fortement orientée exclusivement vers l'orgue mécanique. Elle forme plûtôt de bons ouvriers facteurs, capables de fabriquer des tuyaux ou de la mécanique. Mais laisse de côté les aspects électroniques et informatiques.

6. L'ABSENCE DE COMPOSANTIERS FRANCAIS POUR ORGUES :
J'appelle composantier pour orgue toute entreprise qui fournit des éléments de construction pour l'instrument, et pas seulement en électronique : Ventilateurs, souffleries, sommiers, claviers, tuyaux. Ainsi que toutes les petites fournitures et outils associés : équerres, aiguilles de contacts pour claviers, porte-vents, accordoirs, outils divers et bien entendu toutes les fournitures électroniques et informatiques.
J'ai connu dans les années 1970-75 le dernier composantier français, JAMET, qui a déposé son bilan durant cette période. Depuis, il n'existe aucun composantier français. Hormis Klein pour les tuyaux. Donc tous les facteurs franaçais s'approvisionnent dans les pays Européens comme l'Allemagne, l'Italie, ou l'Angleterre, voire aux USA, où il existe d'excellents composantiers. Mais aucun en France, à part quelques tentatives dans le domaine électronique : Synaptel, Pétrique, qui ont arrété leurs production. Je suis actuellement le seul en France à fournir des solutions complètes pour orgue à tuyaux, ceci de façon non commerciale. Je sais trop que la demande en France n'existe pas, ou est satisfaite exclusivement par les fournisseurs des pays que j'ai cités plus haut. De plus tous les facteurs français ont maintenant l'habitude de s'approvisonner dans ces pays.
Par ailleurs, il est tout aussi navrant de constater que personne en France ne s'émeut de cette situation.

Dans le domaine de la Facture d'orgues, citons aussi la maison Gonzales, (l'ancienne plus grande manufacture française) qui a déposé son bilan il y a plus de 40 ans...
Les autres manufactures végètent en vivant pour la plupart des accords d'orgues. Rien de comparable avec les gandes manufactures Allemandes, Italiennes, Néerlandaises. Et les importants composantiers comme LaukHuff en Allemagne, Eltec en Italie, Kimber-Allen en Angleterre et Peterson aux USA.

Autre symptôme révélateur : Jusque dans les années 80 environ, toutes les recueils de partitions étaient rédigés systématiquement en 3 langues : Allemand, Anglais et Français. Or depuis cette période, plus aucun recueil n'a de traduction française.
Là aussi, personne en France ne s'émeut de cette gravissime régression.


7. LE RECOURS A DES SOLUTIONS PROPRIETAIRES :

J'appelle ainsi des solutions de restauration basées sur des produits conçus et fabriqués exclusivement par un fabricant de composants pour orgue. Cartes, unité centrale, reposent sur des produits qui seront obsolètes dans 10 ou 20 ans.
Ce fut par exemple le cas du système SYNAPTEL à Notre Dame de Paris, (le seul et unique) et aussi de son remplacement par des modules ELTEC tout aussi propriétaires. Toute modification, réparation, passe par le recours au fabricant, en espérant qu'il existe toujours dans 20 ans ! De nombreux autres orgues dépendent exclusivement de la technologie du fabricant (quelques petits fournisseurs français plus ou moins disparus, et avec un marché très limité). La situation est d'ailleurs un peu similaires aux USA, où l'ensemble des fournisseurs de composants pour orgue ont des solutions propriétaires. Mais qui ont un marché bien plus important.

Or il existe une approche différente, basée exclusivement sur des composants standards, disponibles sur le marché ouvert, non spécialisés pour la facture d'orgue. J'ai ainsi développé une technologie complète, adaptée aussi bien à l'orgue de 5 claviers, qu'aux petites orgues. L'unité centrale est constituée d'un PC standard, qui peut être remplacé par n'importe quel autre PC. Les cartes interface, comportant très peu d'électronique, sont constituées de composants standards du marché électronique. Le logiciel, enfin, est compatible avec la norme MIDI.

En résumé, les parties électroniques/informatiques des orgues doivent être prévues (dans la mesure du possible) aussi maintenables par les électroniciens/informaticiens futurs que les parties classiques tuyaux, menuiseries, régulateurs, par les tuyautiers et menuisiers futurs.

8. LE RECOURS AUX "VPO" ou "VIRTUAL PIPE ORGANS" :
Ce nouveau type d'orgue électronique, qui repose sur :
se développe rapidement, vu son prix attractif comparé aux orgues électroniques du commerce. Or si cette solution est très logique pour les particuliers ou les élèves organistes chez eux, autant elle est nuisible et inadaptée pour les lieux publics. (voir mon étude sur cette question : comparaison orgue virtuel <->orgue réel)
et fait un tort considérable aux facteurs d'orgues.

Mais des VPO pour 70000 € comme à C. dans une église du sud de la France, est fâcheux, car pour ce prix, un véritable orgue à tuyaux, complémenté par un VPO, aurait pu être réalisé.

LES REMEDES :
 
  1. Encourager les dons privés, (66% de déduction fiscale, sur 20% du revenu imposable), principal remède potentiel au déclin de l'orgue français. Pour information, j'ai construit l'orgue de Rians, (5 claviers, 1456 tuyaux) entièrement à mes frais, sans aucune subvention.
  2. Rétribuer les "techniciens conseils" aux frais réels, et non par des commissions sur travaux. Leur interdire de faire des projets de dessins d'orgue. Ou bien qu'ils s'installent en qualité de consultants indépendants. Afin qu'ils ne soient pas juge et partie. Interdire les solutions exotiques, type orgue Italien en Bretagne, orgues à 1 clavier, pédalier réduit, etc...qui ne satisfont que les lubies de l'expert et limitent l'usage de l'orgue à un répertoire très particulier.
  3. Priviligier les solutions non propriétaires des fournisseurs de composants pour orgue.
  4. Recommander le recours à des ingénieurs informaticiens et électroniciens pour les marchés de restauration lorsque l'argent public ou privé est engagé.
  5. Former les futurs facteurs d'orgues à l'utilisation de solutions informatiques et électroniques. Ne pas former que des tuyautiers, des menuisiers et des harmonistes.
  6. Prévoir dans les marchés des contrats d'entretien systématiques.
  7. Développer des orgues dans les théatres, cinémas et conservatoires.
  8. Promouvoir les orgues "ludiques" comme il en existe aux USA (theater organs basés PC) dans les salles de mariages, de concerts et théatres.
  9. Expliquer que l'orgue n'est pas qu'un instrument d'église.
  10. Encourager la diffusion de l'orgue virtuel gratuit "grand orgue" pour les particuliers.
  11. Eviter l'installation d'orgues virtuels (VPO ou Virtual Pipe Organs) dans les lieux publics. Eglises, Théatres, Cinémas.
  12. Susciter l'émergence d'une véritable industrie de composantiers pour orgues.
  13. Utiliser les VPO en complément d'un petit orgue à tuyaux neuf ou existant pour des jeux particulièrement coûteux : soubasses, fonds de grandes tailles, mixtures. Voir l'illustration expérimentale que j'ai faite avec mon logiciel et mon matériel, en couplant un orgue REEL de 3 jeux avec un Orgue Virtuel, commandé par l'ex 5ème clavier de Saint Eustache ! Le résultat est saisissant.